« Existe-t-il un candidat à l’élection présidentielle qui s’engagera résolument pour mettre en place une véritable politique de sécurité routière ? ». C’est la question que pose Franck MARLIN à l’heure où les conducteurs sont de plus en plus sanctionnés et réclament avec force un autre projet pour faire baisser la mortalité sur nos routes.

« 3 469 personnes ont été tuées sur nos routes en 2016. Le nombre de morts est en hausse pour la troisième année consécutive. Dans le même temps, plus de 12,5 millions de points ont été retirés chaque année dont la moitié concernent des infractions entraînant un retrait de 1 point, c'est-à-dire des excès de vitesse intérieur à 20km/h.

« Un constat s’impose : la lutte contre l’insécurité routière est inefficace et c’est un échec.

« En revanche, le racket des conducteurs remporte, lui, un franc succès. Preuve en est, la nouvelle mesure gouvernementale qui va privatiser la verbalisation des excès de vitesse, en confiant l’utilisation des radars embarqués à des sociétés privées et non plus à la police et à la gendarmerie. Avec ses voitures banalisées, le nombre de PV annuel, qui se porte aujourd’hui à 1,5 million, pourrait ainsi atteindre plus de 38 millions selon les estimations.

« Contrairement aux forces de l’ordre, les conducteurs de ces voitures ne verbaliseront que les excès de vitesse, quand les policiers et les gendarmes pouvaient aussi sanctionner des comportements réellement dangereux. Sans parler de la gabegie financière d’un tel dispositif…

« Tout cela répond bien à une volonté de faire du chiffre, d’engranger des recettes supplémentaires sur le dos des conducteurs et non de lutter efficacement contre l’insécurité routière.

« Ce n’est d’ailleurs pas sans raison si, dans le document budgétaire pour 2017 (1), le gouvernement a prévu des recettes prévisionnelles "en forte augmentation par rapport à 2016 (+ 10 %) [qui] s’expliquent de la façon suivante : une augmentation des recettes d’amendes forfaitaires issues du contrôle automatisé à hauteur de +25 % (…) liée à l’augmentation du parc radars ainsi qu’au déploiement de nouveaux dispositifs de contrôle plus performants".

« Et c’est justement la raison pour laquelle j’ai défendu en séance, en décembre dernier, un amendement visant à mettre un terme au déploiement de nouveaux radars et affecter les crédits consacrés à l’acquisition de 364 dispositifs de contrôle en 2017 à l’entretien des routes. Bien que soutenu par de très nombreux collègues, la « Ligue de défense des conducteurs » et 106 000 usagers de la route, cet amendement a été rejeté au motif que cela remettrait en cause la politique gouvernementale en matière de sécurité routière. On comprend surtout que cela remettrait en cause une source intarissable de recettes…

« Outre les conséquences financières que cela va encore engendrer pour les conducteurs qui se verront flasher à longueur de temps pour une vitesse retenue d’un ou deux kilomètres/heure au-dessus de la vitesse autorisée, se pose surtout la question de l’impact sur les permis. Le nombre de personnes qui roulent sans assurance ou sans permis ne cesse d’augmenter.

Ailleurs en Europe, ils obtiennent de bien meilleurs résultats.
Le Danemark a même augmenté la limitation de vitesse de 80 à 90 km/h.

  « En Allemagne, par exemple, il n’existe pas de sanction, en termes de points, pour des dépassements de moins de 21 km/h. Ce qui n’empêche pas le nombre de tués sur les routes d’être moins important qu’en France, bien qu’ils aient 14 millions d’habitants de plus que nous…

« Mais il faut dire que les autorités allemandes ont une toute autre vision de la sécurité routière. Chez nos voisins, les pouvoirs publics privilégient la formation, l’entretien des routes et la responsabilisation, en sanctionnant plus lourdement des comportements mettant vraiment en danger la vie d’autrui, comme la conduite sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants ou bien griller un feu passé au rouge depuis plus d’une seconde.

« Dans d’autres pays, comme l’Italie ou l’Espagne, il existe un bonus de points pour les bons conducteurs. En Espagne, ils privilégient aussi la prévention, les dépassements de moins de 20 km/h de la vitesse autorisée ne font pas l’objet de retrait de points, mais les comportements dangereux sont sévèrement sanctionnés, ce qui leur a permis d’obtenir d’excellents résultats. En un peu plus de 10 ans, le chiffre de la mortalité routière a été divisé par 4 !

« Au Royaume-Uni également, une tolérance de 10 à 15 km/h au-dessus de la limitation de vitesse est pratiquée pour ne pas sanctionner les petits excès non-dangereux. Quant au Danemark, la vitesse maximale vient d’être élevée de 80 à 90 km/h sur le réseau secondaire après des expérimentations qui ont conclu à moins d’accidents et de blessés avec une limitation augmentée de 10 km/h !

Il faut revoir en profondeur la politique de sécurité routière, mettre un terme à cette multiplication de pièges à conducteurs et réformer le système des points pour lequel la question de la suppression se pose même.

 « En France, en revanche, certains voudraient faire l’inverse et on se focalise sur ce qui rapporte. Depuis son instauration en 1992, le nombre d’infractions générant des pertes de points a été démultiplié et le barème durci, mais le nombre de 12 points n’a pas été modifié.

« Incontestablement, il faut revoir en profondeur ce système et même se poser la question de le supprimer.

« D’une manière générale, c’est toute la politique de sécurité routière qu’il faut réformer. Les Français n’en peuvent plus de cette ultra-répression qui a montré depuis longtemps ses limites et qui n’est ni juste ni efficace.

« Il faut mettre un terme à cette multiplication de pièges à conducteurs, y compris en supprimant les radars automatiques implantés plus en fonction de leur pouvoir rémunérateur que de la dangerosité de la route, et se consacrer aux vraies priorités : une vraie formation des usagers qui prenne en compte le fait que la route est partagée par des engins différents (vélos, motos, voitures, camions,…), une lutte appropriée et proportionnée contre les comportements véritablement dangereux, et la rénovation ainsi que l’entretien du réseau routier, et plus particulièrement des routes secondaires.

« Faut-il d’ailleurs rappeler que l’infrastructure routière est impliquée dans 40% des accidents mortels alors que la vitesse l’est dans 26 % ? Rien que ce chiffre devrait pousser les candidats à l’élection présidentielle à réfléchir à un nouveau projet de sécurité routière. Mais à ma connaissance, aucun n’en propose un de la sorte dans son programme… »

 

(1) Annexe au projet de loi de finances pour 2017, Compte d'affectation spéciale « contrôle de la circulation et du stationnement routiers », page 11
 

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